Le 6e RTM

"Sans Peur et sans Pitié"

L'historique du 6ème RTM a été écrit par Pierre CARLES et Georges LECONTE - "une Bible"

Chapitre 1. Création Allemagne T.O.A 1921 - 1927  Chapitre 2. Un régiment de montagne : 1928 - 1936 Chapitre 3. En couverture de la frontière Chapitre 4. La campagne de 1939 - 1940 Chapitre 5. Un nouveau 6e - 1er novembre 1940 - 9 février 1944 Chapitre 6. La campagne d'Italie : 11 février - 15 septembre 1944 Chapitre 7. La libération : 14 septembre 1944 - 8 mai 1945 Chapitre 8. La guerre est finie Chapitre 9. Bataillon de marche Vanuxem 1947 - 1949 ou III/6e RTM ou 1e BM/6e RTM Chapitre 10. 2e BM du 6e RTM , 1949 - 1954 Chapitre 11. Ultime avatar du 6e Marocains, 1960 - 1963 Annexe I. Les drapeaux des 66e et 6e RTM Annexe II. Fanions - insignes Annexe III. Liste des chefs de corps

 

Chapitre 6. La campagne d’Italie (11 février – 15 septembre 1944)

Deuxième quinzaine de Février 1944 : à Oran, à Alger, à Bizerte, se forment les convois qui vont amener la Division sur le Théâtre Européen des Opérations.

Aux Africains se sont joins les Français de nos colonies sans drapeau, venant du Brésil, de l’Argentine, du Chili, des Etats-Unis et la cohorte imposante des évadés de France qui ont bravé les prisons d’Espagne pour rallier les rangs de l’armée renaissante.

Animés d’un même immense espoir et de la même volonté résolue, tous voient s’effacer les rivages d’Algérie et de Tunisie avec une émotion à la fois grave et joyeuse... le 18 Février la Division commence à débarquer à Naples.

LA MARCHE SUR ROME

LA TETE DE PONT DE GARIGLIANO

La 4e division Marocaine prend position au Sud-Ouest de Cassino, sur le front du Garigliano et de Castelforte.

Accrochée aux contreforts des Abruzzes, cette région misérable est âpre, rude, rugueuse, toujours noyée sous la boue ou la poussière, tantôt glaciale, tantôt brûlante.

Mars et avril sont consacrés à la préparation minutieuse d’une offensive qui va mettre en oeuvre une concentration surprenante de moyens.

Un réseau complet de pistes carrossables est tracé dans la montagne. La tête de pont du Garigliano, se transforme de jour en jour en un arsenal formidable qui servira de point de départ à l’action brutale de rupture du front ennemi.

LE 11 MAI

Nuit du 11 Mai ! Pour ceux qui l’ont vécue, il n’est pas besoin d’ajouter un millésime.

Cette nuit inoubliable on a vu s’ébranler la puissance redoutable du feu, la force déterminante des volontés tendues. En dépit de la résistance furieuse qu’il va nous opposer, l’Allemand sera inexorablement chassé de ses positions fortifiées de la ligne Gustav et de la ligne Hitler.

Malgré les difficultés d’un terrain effroyablement tourmenté, malgré les casemates bétonnées qui crachent un feu puissant, malgré les lance-flammes automatiques, malgré les mines qui pullulent, les Monts Feuci et Cescheto, le Col de Crisano sont successivement arrachés à l’ennemi. Puis la Vallée de l’Ausente est traversée dans un élan irrésistible qui se ralentit à peine lorsqu’on atteint les pentes abruptes de la falaise du Fammera, première défense naturelle des Monts Aurunci, si sauvages que les Allemands les considéraient comme impénétrables.

Aucun obstacle n'arrête la 4e D.M.M. Après s’être emparée des cimes du Petralla (1535m) et du Revole (1285m) elle débouche sur les arrières de l’ennemi qui abandonne précipitamment le verrou d’Esperia et la position clé de Pico.

Poussant toujours en avant, progressant de crête en crête, de piton en piton, les troupes marocaines enlèvent l’un après l’autre tous les centres de résistance qui jalonnent la route de Rome et barrent les vallées encaissées conduisant vers le Nord : le nid d’aigle de Campodimele, les villes de Lenola, de Vallecorsa, d’Amaseno et de Carpineto. 

CASSINO

Chaque étape est franchie au prix de corps à corps sanglants, de coups de boutoirs, suivis de lentes infiltrations, de poursuites rapides, ou de marches sur le ventre, jusqu’à la limite des forces, jusqu’à l’épuisement des nerfs.

Nul ne mesure sa peine, Rome est au bout de l’effort.

.... L’Allemand empoisonne les puits, multiplie les champs de mines, fait sauter les ponts, brûle la terre, piège ses propres cadavres...

C’est en vain... le 3 juin, vingt trois jours après le déclenchement de l’attaque, tous les objectifs sont atteints, on est à 180 Km des bases de départ.

 ET LE 6 JUIN, LA VILLE ETERNELLE PAVOISE A NOS COULEURS.

 

Les Spahis Marocains défilent place de Venise

DE ROME A FLORENCE

Rome prise, les Allemands se sont repliés sur les Apennins pour s’organiser en force autour de Sienne, sur les collines de Toscane.

Coopérant avec la 88e Division d’Infanterie Américaine et la 2e D.I.M, la Division prend l’offensive le 2 Juillet.

A travers un terrain très difficile, coupé par les vallées profondes de l’Elsa et de ses affluents, elle contraint l’ennemi au repli jusqu’à l’éperon de San Giminiano.

SAN GIMINIANO

Kesserling a installé sa droite à l’abri d’une solide ligne de défense qui vise à interdire la vallé de l’Arno, rivière de Florence entre Castel San Giminiano et Val d’Elsa.

Les Villes de San Giminiano et de Poggibonsi constituent les deux môles essentiels de la résistance ennemie.

Renouvelant la manoeuvre audacieuse du Garigliano, nos deux Groupements Tactiques courent à de nouvelles victoire: le 13 Juillet, San Giminiano est enlevé de haute lutte, le 14, Poggibonsi tombe à son tour, au moment même ou le général Clark et le Général Alexander, sont reçus au Campo de Sienne par le Général Juin. Les Généraux alliés passent en revue les détachements de nos Régiments et les félicitent des exploits étonnants qu’ils accomplissent depuis plus de deux mois. Le 19 Juillet voit la prise de Certaldo et le 22, celle de Castelfiorentino.

 

FIN DE CAMPAGNE

Florence est à moins de trente kilomètres. Il ne sera cependant pas donné à la 4e Division Marocaine d’y entrer.

En France, les événements heureux se précipitent. La progression des Armées Alliées prend un développement considérable et les Forces de l’Intérieur lèvent partout l’étendard de l’insurrection. C’est l’heure pour le Corps Expéditionnaire Français de se regrouper dans le voisinage des ports. La Première Armée Française est constituée et son commandement est confié au Général de LATTRE de TASSIGNY.

La 4e Division Marocaine, relevée par une Brigade Hindoue, regagne la Campanie et bivouaque autour de Sessa Aurunca.

Avant de partir pour de nouvelles campagnes, elle a la satisfaction de voir quatre de ses plus beaux Régiments cités à l’ordre de l’Armée : le 6e RTM, le 2e RTM, le 4e RSM, le 64e RAA

La nouba du 6ème RTM

LES CAMPAGNES ALLEMANDES ET AUTRICHIENNES

LA CAMPAGNE RHIN - DANUBE

Aussitôt après la victoire de Colmar, la Division se voit confier la défense du Rhin depuis le parallèle de Bâle jusqu’à celui de Sélestat.

Le Général De LATTRE de TASSIGNY, Commandant en Chef de la 1ère Armée Française, conçoit un plan qui permet de prendre à revers le Rhin et la Forêt Noire, tandis que le pays de Bade et le Wurtemberg seront submergés par l’éclatement en éventail des forces de la 1ère Armée Française.

Le 15 Avril, la Division est dirigée sur Strasbourg.

Le 16, elle pénètre en territoire allemand par Kehl et par Seltz et Karlsruhe. Elle est rassemblée sur la rive droite du Rhin, au Nord d’Offenburg.

Lancée successivement en direction de l’Est, puis du Sud, puis de l’Ouest et enfin du Sud-Est, elle va livrer une série de batailles d'anéantissement sur plus de 500 Kilomètres. 

LA FORET NOIRE

La mission de la Division est de contourner la Forêt Noire par sa lisière Est et de gagner au plus vite la frontière Suisse au nord de Schaffhouse afin d’encercler les forces allemandes qui défendent le Pays de Bâde (quatre Divisions du XVIIIème Corps d’Armée S.S).

La réussite de cette manoeuvre est subordonnée à la rapidité de son exécution.

Pour gagner son objectif à temps et empêcher l’ennemi de déjouer nos plans, la Division de montagne doit marcher à l’allure des Blindés.

Renforcée de deux Groupements de la 1ère D.B, elle se porte à vive allure dans la région de Freudenstadt, tandis que le 6ème R.T.M et le 4ème R.M.S s’assurent de la maîtrise de l’itinéraire Oberkirch-Oppenau-Freudenstadt.

Dans un deuxième temps, elle pique sur le Danube en se gardant face à l’Est et face à l’ouest.

Le 21 Avril, elle pénètre dans Schwenningen et Villingen, le 22, Donaueschingen est pris. La progression se poursuit : une série de bouchons est déployée face aux issues de la Foret Noire, étirant ainsi la Division sur plus de 45 Kilomètres. Le 25 Avril, la Frontière Suisse est atteinte au Sud de Randen par la 4ème R.S.M.

55 localités sont nettoyées et occupées occasionnant des milliers de prisonniers. Le XVIIIème Corps d’Armée SS, pressé dans la Forêt Noire par la 9° D.I.C. et la 1ère brigade de Spahis, tente de rompre nos lignes.

Le 24 Avril, à minuit, il déclenche une série d’attaques en force de part et d’autre du Danube.

De puissantes colonnes d’Infanterie portée - plus de 15.000 hommes - appuyées par de nombreux automoteurs, donnent l’assaut aux points d’appui qui barrent les passsages recherchés. Une compagnie du 27è R.I reçoit le premier choc à Marbach. Deux Groupes d'artillerie, le I/RACL et le II/64E RAA, un moment cernés dans Bad Durreheim et Donaueschingen se dégagent.

A Aasen, le I/1er RTM est pris à partie par une formation bien décidée à rompre notre dispositif. En dépit de sa forte supériorité numérique, l’ennemi est contraint à se disperser en abandonnant tout son matériel.

Une faible partie des forces ennemies réussit à se frayer un passage et gagne la région de Zimmern-Immendingen.

Par contre, sur la rive droite du Danube, l’échec allemand est complet.

A Behla, une compagnie du III/6é R.T.M. perd le tiers de son effectif, mais réussit à interdire complètement le passage aux éléments qui retraitent vers le Sud.

Au matin du 25, une action de réduction méthodique est déclenchée: trois groupements de blindés et d’infanterie portée sont lancés dans les flancs de l’ennemi en direction de Bad Durrheim, Aasen, Geisingen et Kirchdorf tandis que la 5e D.B (C.C.6) interdit les passages du Danube depuis Tuttlingen jusqu’à Donaueschingen.

L’aviation du 1er Corps Aérien Français (Chasseurs-Bombardiers des 37e et 47e escadres) appuie directement les opérations qui prennent rapidement la forme du succés malgré la violence des assauts déclenchés par les troupes du Général Von OPPEN contre Aasen, Zolllhaus et Randen.

En moins d’une journée, l'action combinée de l’artillerie et du straffing aérien, des blindés et de l'infanterie, permettent de réduire les restes de la 19ème armée.

LE LAC DE CONSTANCE et les ALPES AUTRICHIENNES

Le 29 Avril, après l’achèvement du nettoyage de la zone danubienne, la Division reçoit du Général Bethouart, Commandant le 1e C.A, l’ordre de progresser dans le sillage de la 5e D.B qui vient de dépasser Ravensbourg et marche sur Bregenz.

L’avance générale se poursuit rapidement et une une partie des unités d’infanterie doit être transportée par bateau sur le Lac de Constance, depuis Ludwigshafen et Uberlingen afin de rejoindre les Blindés à temps dans la région de Lindau.

La tête des gros de la Division arrive à Lindau le 2 mai. La frontière Austro-Allemande est franchie au Nord de Bregenz. La Division éclate en trois directions pour procéder au nettoyage de la vallée du Rhin, de la vallée de l’Ill et du Massif du Bregenzer Wald.

LE VORALBERG

De par sa configuration géographique le Voralberg constitue un réduit très propice aux actions des guérillas. Des groupes d'allemands très nombreux, en majorité S.S. s’y sont repliés. Il importe de ne pas leur laisser le temps de s’organiser. Nos colonnes progressent nuit et jour, les traquant dans un espace toujours plus restreint.

Pendant ce temps, le 4e R.S.M., en tête de la 5e D.B, s’empare de Dornbirn, Hohenems, Gotzis, Lustenau, Feldkirch, Bludenz et occupe les hautes vallées de l’Ill et de l’Allenzbach jusqu’à Parthenen et Klosterle.

Le 7 Mai, après avoir bousculé les dernières résistances ennemies, ce même régiment pousse une reconnaissance à pied, dans les neiges, jusqu’à St-Christophe. Là, la liaison est réalisé avec la tête de la 2e D.I.M. arrivée du Nord par la vallée du Zursbach.

Au moment où nos couleurs sont hissées sur le pic dominant le col de l'Arlberg, la capitulation est reçue à Reims.

Chapitre 7. La libération (14 septembre 1944 - 8 mai 1945) 

Le Haut du Faing : 12 - 18 octobre 1944

Le 6e RTM, détaché provisoirement de la 4e DMM, est "prêté" à la 3e DIA. Il forme un groupement tactique ou combat command, le CT2/4e DMM, sous les ordres du colonel Baillif avec le 1/64e RAA et la compagnie du génie 82/1.

L'opulence à laquelle avait habitué la logistique américaine en Italie n'est plus de mise dans les Vosges. Les munitions sont chichement attribuées. A la compagnie de mortiers, par manque de projectiles, il est prévu de garder la compagnie en réserve. Pour la première fois depuis le début de la campagne elle ne participerait pas au combat du régiment. Cependant, elle marchera vers les lignes avec les bataillons. Au 1/6, la section de mortiers va "emprunter" des obus aux stocks américains empilés en pleine nature, en évitant les sentinelles yankees qui ont la détente facile. Le 12, les bataillons s'ébranlent à pied vers le front, dans les vallées vosgiennes. Le ravitaillement est à peine suffisant. Le 13 on atteint la région de Saint Amé, Vagney, Peccavilliers, où sont encore quelques unités américaines. Les trois bataillons et le PC sont réunis et le 14 l'échelon muletier les rejoint. Il y a là 4400 hommes dont 3000 marocains et plus, qui ne sont peut-être pas plus de 50 qui n'aient pas vu le feu, et un équipage de 500 mulets.

Le soir de 14, le colonel Baillif rassemble ses principaux subordonnés du CT2 et leur dévoile les projets du commandement : le 3e RTA, en tête de la 3e DIA, engagé de part et d'autre de Cornimont dans la vallée de la Moselotte et celle du riuisseau de Xoulces, est arrêté dans l'une et l'autre vallée par les réactions ennemies. Exténuées parce qu'elles combattent depuis le débarquement, les unités ne peuvent fournir l'effort de s'emparer de l'énorme belvédère qui domine de cinq cent mètres la vallée, le Haut du Faing 1303 mètres.

Le 6e RTM régiment frais jusqu' alors en réserve d'armée, devrait avoir la force d'enfoncer la porte qui mènerait en vue de Colmar…

Le dimanche 15 octobre, par un beau jour doré d'automne; les commandants des unités chargées de l'attaque vont reconnaître leurs objectifs depuis le Droit de Cornimont "Enjambant la profonde vallée de la Moselotte.... et la route de la Bresse, le regard pointe vers le Hauit du Faing...en direction de l' Hospice de Cornimont. De Cornimont, on y accède par un chemin de terre qui, laissant à main droite la Grande Roche, défile en balcon devant le hameau de la Charme. Par-delà l'horizon visible le bois s’étend, fer à repasser géant de 1200 mètres en plein coeur des Vosges et de la position ennemie. Les premiers barbelés sont installés sur la Grande Roche" écrit le capitaine Cothias.

L'affaire se fera avec deux bataillons en tête, III/6 à gauche, II/6 à droite et I/6 sera initialement en réserve.

L'affaire du Haut du Faing a fait l'objet de plusieurs relations officielles ou officieuses et de publications de souvenirs fragmentaires. Le récit qui suit tente de faire la synthèse des informations : compte-rendu du capitaine Cothias amené dès le début à commander le II/6e; relation du capitaine Fourrière, commandant la 6e Compagnie, unité qui a joué un rôle important; rapport du capitaine Collonnier, commandant la CB 2 et parlant pour la section d'éclaireurs du bataillon; rapport du colonel Baillif volontairement dépouillé de détails anecdotiques et celui du chef de bataillon Diebold, commandant le III/6e, succinct lui aussi. Ces documents laissent des lacunes comblées en partie par les souvenirs écrits du lieutenant Frèches, des adjudants-chefs Detraz et Aniort et de divers autres témoins ayant tenus un journal.

Le résultat final est qu'il manque certainement beaucoup de traits remarquables, d'actes de courage estompés dans les mémoires des survivants ou disparus avec des témoins de ce qui fut une action locale et limitée à l'échelon de la lere Armée, mais qui pour le 6e R.T.M. reste l'un des plus beaux faits d'armes du régiment.

L'attaque est prévue pour le 16 octobre, la base de départ sera la route nationale 486, entre Cornimont et La Bresse, de part et d'autre de l'Hospice de Cornirnont. On ne sait pas encore, à cette date, que le Haut du Faing est une position-clé de la Winterlinie, la Ligne d'hiver, sur laquelle Hitler compte défendre la Patrie allemande (qui inclut l'Alsace) en avant de la crête des Vosges. Ecoutons François Aniort, alors adjudant-chef au PC du II/6 (Le 16 à 0 heure) " le 6e R.T.M. commence son approche. Il tombe une pluie fine, hargneuse ... Le froid est vif, la nuit est d'encre, trouée par les éclairs éblouissants des éclatements des obus et des mortiers. Les hommes, en silence, traversent le bois de Bamont, colonne par un, se tenant par le pan des capotes pour ne pas s'égarer, glissant, roulant dans la boue, se heurtant aux rochers, se déchirant les mains et le visage aux ronces, marche odieuse du biffin .... les tirailleurs, pourtant, sont joyeux: il y a du boche au bout... ".

A 5 heures 30 on atteint la base de départ. La section d'éclaireurs du 1e Bataillon est envoyée en bouchon sur la route de La Bresse prés du 3e RTA. Le commandant Franco installe le P.C du II/6e RTM prés de l'Usine sur la route; le commandant Diebold place celui du III/6e RTM au nord-est de L'Hospice. Le I/6e est encore dans le bois de Bamont.

L'objectif du IIII/6e est le Canton des Hiez, plateau découvert au nord du Haut du Faing, celui du II/6e est le bois du Haut du Faing avec comme objectif intermédiaire la "route en balcon" qui passe au-dessus du hameau de La Charme.

A 5 heures 45 l'artillerie commence le tir de préparation. A 6 heures l'attaque démarre. Au II/6e, en premier échelon, la 5e Compagnie (Jeanpierre) à gauche, la 6e (Fourrière) à droite, la section d'éclaireurs (Establie) faisant la liaison entre les deux, la 2e section de la C.M (Courtois) en appui direct, en deuxième échelon la 7e (Lapostolle) et la 8e (Castel). Les pentes sont gravies allègrement, les guetteurs ennemis débusqués.

A 7 heures 15 une rafale d'obus de 150 tombe sur le P.C du II/6e : le commandant Franco est gravement blessé ainsi que le médecin capitaine Mathieu, l'officier de liaison d'artillerie et quelques autres. Le capitaine adjudant major Cothias prend le commandement, le médecin auxiliaire Benoliel assure le service de santé.

Au lever du jour, les sections de tête tiennent sous leur feu le chemin en balcon mais ne peuvent s'y installer. L'ennemi pousse des renforts vers La Charme où se déroule pendant deux heures un combat acharné conduit par la S.M.E.2 de murette en murette, à la grenade et au pistolet-mitrailleur, parfois au corps à corps. Le capitaine Cothias envoie l'ordre de reprendre la progression à partir de 13 heures, tandis que la 7e Compagnie doublera la 6e pour déborder par la gauche. La 8e Compagnie est sérieusement accrochée à la Grande Roche face à la vallée de Xoulces.

A 13 heures, profitant du brouillard, le II/6e reprend son attaque : la limite nord-est du bois du Haut du Faing, objectif final, est atteinte par la 6e Compagnie, la S.M.E.2 et une partie de la 5e sans grande opposition, la 7e Compagnie monte derrière la 6e et va se placer sur la face ouest du bois tandis que la 8e reste toujours fixée à la Grande Roche par un ennemi qui remonte de Xoulces vers le Droit de Xoulces. L'artillerie et les mortiers arrêtent les contre-attaques allemandes.

A la nuit, le II/6e a rempli sa mission au prix de 14 tués et 38 blessés. Le P.C. du bataillon s'est transporté à La Charme avec la 1e Section (Frèches) de la CM. On a fait 42 prisonniers.

Le III/6e a progressé dans un terrain difficile, réduisant successivement les résistances ennemies au prix de pertes relativement faibles. Cependant le lieutenant Bayon, de la 10e Compagnie, est tué.

Vers 16 heures l'objectif est atteint, le revers nord-est du Canton des Hiez où l'on s'installe sous la Roche de Minuit ; la droite en liaison avec le 2e Bataillon. Le régiment a perdu environ 130 hommes. Les deux bataillons s'installent pour la nuit dans la pluie et le froid ; on ne peutguère creuser sur le sol granitique. Le ravitaillement et les munitions n'ont pu être poussés.

Mais comme l'écrira le capitaine Cothias « la vraie bataille du Haut du Faing n'est pas encore commencée ». 

Le 17 au lever du jour, à 7 heures, après une préparation d'artillerie et sous une pluie battante, le 291e Grenadier Bataillon ZBV attaque à la pointe nord-est du bois sur la S.E.M.2 et les 6e et 7e Compagnies. Ce bataillon est formé de condamnés militaires amenés par camions de Karlsruhe et à qui l'occasion est fournie de se racheter. Dans la nuit les assaillants ont pu se rapprocher à distance d'assaut, mais vingt fusils-mitrailleurs et les lance-roquettes antichars fauchent la première vague dès qu'elle a démarré. Pour y voir clair les tirailleurs ont dû se mettre debout, chacun plaqué à un tronc de sapin. Une deuxième vague est reçue comme la première, mais les munitions menacent de manquer.

Vers 9 heures 30 l'ennemi renonce: il a perdu probablement 700 hommes, 70% de l'effectif. La S.E.M.2 dénombrera 33 cadavres devant son front.

Dés 8 heures 30, bien que le III/6e soit moins fortement assailli, devant la pression ennemie de plus en plus forte sur la jonction II/6e - III/6e, le commandant Diebold lance sa section d'éclaireurs (adjudant-chef Mollard) à l'assaut de la crête dénudée où l'ennemi a installé deux mitrailleuses à la corne sud-ouest du bois. La SEM.3 réussit mais perd la moitié de son effectif.

Le I/6e s'est mis en route au lever du jour et arrive dans Cornimont par la route de Saulxures, dont une partie des maisons brûlent. Le P.C du bataillon s'installe prés de l'église, la 2e Compagnie (Roux) et la section de mortiers (Ropars) sur le chemin de terre qui monte vers La Charme, la 4e (Mathieu) dans le hameau de La Charme, le reste du bataillon, S.E.M. (Detraz) en tête, s'engage sur le flanc droit du II/6e, mais peut difficilement progresser sous les tirs d'écharpes venant du Droit de Xoulces. Dans la nuit, la 6e Compagnie est relevée dans le bois par la 8e, elle même remplacée à la Grande Roche par la 4e. Le III/6e ne peut bouger, de son côté, car dans son terrain découvert il est pris à partie par les automoteurs de la région de Ladonchamp.

Le 18, le colonel Baillif vient inspecter ses bataillons. Une nouvelle contre-attaque est repoussée à 13 heures dans le bois, où la 6e Compagnie vient de remonter. Le I/6e échoue dans une tentative de s'emparer du Droit de Xoulces : la S.E.M.2 s'infiltre et va tenir les premières maisons du village de Xoulces dans la vallée. Un calme relatif s'établit. La pluie n'a pas cessé. Les muletiers ont pu monter munitions et vivres et redescendre blessés et cadavres par le chemin de terre qui, partant de la sortie nord-ouest de Cornimont, passe sous la Grande Roche et traverse La Charme. Cette « voie sacrée » d'un petit Verdun verra passer pendant des jours les files de mulets échangeant du matériel contre des hommes meurtris ou morts. Le courant entretenu est de 200 mulets par jour.

A partir du 19 l'ennemi change de tactique et tente de rendre le bois intenable à ses conquérants. Un déluge d'artillerie de tous calibres (y compris les mortiers de 350 « perceurs de poumons ») s'abat sur le bois et ses arrières. Les Allemands peuvent tirer de trois côtés car la position française est en doigt de gant. « L'insomnie, la soif - parce que dans les Vosges ruisselantes d'eau ce sommet n'est qu'un rocher - le froid, la mort habitent ce haut lieu du sacrifice. Nulle équipe qui monte au bois ne revient au complet ; cependant toutes s'y engagent autant de fois qu'il le faut... les sapeurs, les ravitailleurs, les brancardiers, les téléphonistes dont tout l'effectif restera sur la piste sanglante... » pourra écrire Henry Cothias . A 15 heures 30, une attaque sur la 4e Compagnie est bloquée par les mortiers de la section Fréches de la CM. Un nouvel essai du II/6e sur le Droit de Xoulces échoue.

Le 20 le déluge d'artillerie continue. La S.E.M.2 est anéantie ; Establie blessé fait déposer son fanion au P.C du Ill/6e et la 4e Compagnie quitte la Grande Roche pour prendre sa place dans le bois. Le capitaine Castel, de la 8e Compagnie et l'aspirant Peugniez, de la 2e sont tués, le chef de bataillon Mariaux est blessé et le capitaine adjudant-major Lorenzi prend le commandement du Il/6e. Les pertes de la journée sont de 125 hommes. La tension est à l'extrême. Le général Guillaume commandant la 3e DIA vient dans l'après-midi au PC du régiment. II sait qu'il faudrait au moins relever le Il/6e, mais n'a pas un bataillon frais. Le 20 au soir le capitaine Cothias fait au colonel Baillif le bilan de la situation. Il énumère ses pertes qui dépassent 300 hommes, 11 officiers tués et blessés. Une compagnie, la 6e, n'a plus un seul sous-officier français. Il souligne le manque de cadres, tous à bout de forces, et il termine: « Vous m'excuserez de ma franchise, je ne puis assurer de pouvoir repousser la prochaine contre-attaque qui est sans doute pour demain matin ». Ce billet est daté de 19 heures... « Et puis... c'est au moment où tout parait sur le point de casser que la roue tourne... La nuit du 20 au 21 est calme.

Et surtout il cesse de pleuvoir... on peut faire redescendre les compagnies les plus épuisées et qui ne présentent plus de forces réelles : la 7e, la 9e, la 4e, la 5e... des gens hirsutes, aux traits tirés, aux yeux brillants... tous posent avec peine sur le sol leurs pieds endoloris, blessés par la gelure... » (Relation du colonel Baillif).

Le 21 l'artillerie ne cesse pas. Le capitaine Mathieu, de la 4e Compagnie, est tué. Les pertes du régiment sont de 150 hommes. Le 22 est moins meurtrier, l'artillerie ennemie semble viser un peu plus les arrières, les positions de mortiers, le centre de ravitaillement. Plusieurs mulets sont blessés. Le 23 l'intensité du feu diminue encore. Il est vrai que l'artillerie et l'aviation alliées s'appliquent à la contre-batterie. La 8e Compagnie est réduite à 38 hommes, la 7ee à 21, la SEM2 à 1. Le poids décroissant de l'orage d'acier se confirme le 24 : la 3e Compagnie relève la 4e. Le 25 et le 26 sont presque calmes, c'est-à-dire qu'il ne tombe que des rafales sporadiques.

Enfin le 27 octobre le 7e RTA vient remplacer le 6e RTM. Après passage des consignes dans un brouillard qui paraît gêner les artilleurs ennemis, le I/6e et la 7e Compagnie quittent Cornimont à 21 heures. Il fait un beau clair de lune pleine. Le 28, c'est le tour des 5e et 6e Compagnies et de la CM, puis des unités régimentaires. Le III/6e, relevé le 28, redescend à son tour. Le régiment se regroupe entre Cornimont et Saulxures pour embarquer en camions.

En douze jours et onze nuits de combat et de souffrances le 6e RTM a percé la Winterlinie et s'est maintenu sur ses positions, comme il avait forcé la ligne Gustav cinq mois auparavant. Le régiment a perdu 127 tués dont 8 officiers, 764 blessés dont 13 officiers (et 103 pieds gelés), 24 disparus soit 915 pertes sur un effectif combattant de quelque 3000 hommes, c'est-à-dire 30,5 %. En douze jours, cela représente presque 60% des pertes subies en Italie en cinq mois. Le 2e Bataillon à lui seul a perdu 456 hommes dont 11 officiers. Les cadres et les tirailleurs français ont payé de leur personne avec 13 sous-officiers et 15 caporaux et tirailleurs tués, environ le double de blessés. Il n'est pas surprenant que le Haut du Faing soit resté dans le souvenir des survivants une des grandes affaires du régiment, digne de figurer sur son drapeau.

Du Lomont à Pont d'Aspach : 29 octobre 1944 - 29 novembre 1944

Les rescapés du Haut du Faing (sauf une section de la CM à qui la rame de camions a fait défaut) sont déposés le 28 octobre dans des cantonnements autour de Vauvillers et Saint Loup-sur-Semouse, au nord du département de la Haute-Saône. Ils ont quitté les Vosges, pour la Voge zone de bois, d'étangs, de champs maigres. Le PC du régiment est à Vauvillers avec les unités régimentaires, le I/6e à Anjeux et à Jasney, le II/6e à Mélincourt et Anchemoncourt, le III/6e à Bouligny. Il gèle la nuit et dans la journée règne un froid humide, mais dormir dans la paille des granges semble un paradis à ceux qui viennent de subir des journées infernales. La population est chaleureuse à la mode de l'Est.

Les unités font le compte des matériels à remplacer, des pertes à combler surtout: deux chefs de bataillons, trois commandants de compagnie, une douzaine de chefs de section, plus de sept cents sous-officiers et hommes de troupe. En outre, le moral, n'étant plus soutenu par la fièvre du combat, a tendance à fléchir, assez pour que les commandants de bataillon s'en inquiètent. Le jour de la Toussaint, une messe à la mémoire des derniers tués rassemble à Vauvillers les délégations des bataillons. Le lendemain, jour des Trépassés, une cérémonie a lieu au cimetière de Rupt-sur-Moselotte mais le III/6e n'y participe pas, car il est reparti au combat

Menaurupt

Bien qu'il se soit conduit aussi bravement que possible puisque la 1e section de la 10e Compagnie aura une citation à l'ordre de la division pour la conquête de la cote 962 le 16 octobre et la 2e section de la 11e une autre à l'ordre du régiment pour avoir repoussé, le 18 octobre, pendant trois heures les contre-attaques furieuses de l'ennemi, le III/6e est le bataillon qui a eu le moins de pertes au Haut du Faing. C'est probablement cette considération qui amène le commandement à faire appel à lui arriver dans la zone de repos. Il est mis dans la nuit du 1er au 2 novembre à la disposition du GT4 de la 3e DIA pour une opération visant à s'emparer du village de Ménaurupt, au sud-ouest de Gérardmer. Le 3 il entre dans Ménaurupt sur les traces des blindés du groupement Gambiez. Le 4 il atteint sans pertes tous les objectifs qui lui ont été fixés: La Roche des Ducs, la corne sud-est de la Tête de Neuve Roche. Le 5, la l0e Compagnie s'empare, par une belle manoeuvre de la Cote 842 fortement tenue par l'ennemi à qui elle enlève trois mitrailleuses légères au prix de 4 tués et 13 blessés. Le bataillon est alors relevé dans la nuit du 5 au 6 et ramené à Bouligny.

Cependant le colonel Baillif a inspecté les 1e et 2e Bataillons et fait le point de la remise à niveau possible des effectifs, car il n'est arrivé du Maroc que 327 recrues pour combler les vides et du Centre de regroupement divisionnaire qu'une douzaine de blessés d'Italie guéris. A cette époque le lieutenant-colonel Eberlé quitte le régiment pour l'état-major de la division; le lieutenant-colonel Le Gouvello le remplace comme commandant en second. On recomplète aussi les mulets qui, dés le 8 novembre, embarquent en camions vers de futurs combats. Au I/6e et au II/6e on répartit les renforts dans les unités. Le 10 novembre on distribue des vêtements de laine, des gants, des snow-boots.

Un grand défilé du 11 novembre est prévu à l'Arc de triomphe pour montrer aux Parisiens les unités de l'armée de libération. Aucune délégation du 6e RTM n'y est conviée, ce qui suscite des commentaires amers.

Dans la nuit du 11 au 12 novembre une tempête de neige s'abat sur l'est de la France. Le 12 à 6 heures du matin les 700 hommes du I/6e embarquent en camions et par Beaume-les-Darnes et Maiche débarquent au Fort du Lomont. Il gèle à pierre fendre dans les casemates nues où le froid empêche les hommes de dormir. Le III/6e enlevé également, est débarqué dans les environs de Maiche. Le II/6e est en alerte. Le régiment est mis à la disposition de la 9e DIC qui vient de " blanchir " ses régiments depuis quinze jours. Or, une attaque est envisagée au plus prés de la frontière suisse vers Delle. Le 13, le l/6e descend les pentes verglacées vers Villars-les-Blamont pour participer â l'offensive sur Dannemarie-du-Doubs Le bataillon sait, pour une fois, quelle est sa place dans le dispositif général de la 1e Armée, car sa section la plus à droite touche la haie de fil de fer piquetée de drapeaux rouges à croix blanche matérialisant la frontière. L'attaque doit démarrer le 13, mais est remise en raison des conditions atmosphériques.

Le 14 de même : le brouillard empêche l'artillerie d'observer ses tirs. Il fait très froid tandis que le PC avant du régiment et la CHR s'installent à Chamesol, prés de Maiche où est le PC de la 9e D.I.C. Deux sections de la CM sont en batterie à Villers, la troisième suit le I/6e pour l'appuyer.

Le Bois des Trembles

Comme le Haut du Faing a été le combat du II/6e qui sera cité à l'ordre de l'armée pour cette affaire, le Bois des Trembles va être celui du I/6e quoique moins meurtrier.

Le 15 novembre à 10 heures l'attaque démarre vers le Bois des Trembles, que la 3e DIA a dû renoncer à conserver au début d'octobre. Le I/6e doit progresser dans ce bois qui jouxte la frontière tandis que le III/6e mènera une action à la gauche du I/6e au nord-est de Blamont. Dans la neige la 1e Compagnie est à droite le long du fil de fer helvétique, la section d'éclaireurs au centre suivant un petit chemin, la 2e à gauche. La 4e est en réserve à Villars. Rapidement les deux unités de droite sont clouées au sol par des feux croisés de mitrailleuses sous casemate. Un bataillon disciplinaire de la kriegsmarine arme ces casemates et les défendra avec un rare acharnement. Les tués et les blessés parsèment la neige. A la SEM est tué le sergent-chef Lefèvre, figure légendaire de la section, médaillé militaire de mai 1940 ; le sergent Rouch et quelques tirailleurs, mitraillés dés qu'ils lèvent le nez, devront attendre la nuit pour aller, en rampant, chercher son cadavre et le ramener à Villars. La 2e Compagnie progresse un peu, puis est arrêtée à son tour. Le capitaine Lorenzi engage alors la 3e Compagnie, qui attend en deuxième échelon, encore plus à gauche vers le bois de La Rozière ; elle débusque quelques guetteurs qui se replient sur la ferme de La Rozière transformée en blockhaus, puis est bloquée, à son tour. La neige se remet à tomber et la nuit arrive.

Le 16 l'affaire est reprise avec l'appui de la CM. La 4e Compagnie vient de Villars avec trois tank-destroyers de la 9e DIC. Deux sections de droite de la 2e Compagnie sont relevées. L'attaque débouche avec un certain flottement et au bout de cent mètres la vague est arrêtée par des tirs. Les tank-destroyers ne peuvent s'embosser pour tirer dans les embrasures. Il faut se replier avec 11 morts et 12 blessés sur 33 hommes partis. L'après-midi l'ordre est donné à toutes les unités de poursuivre l'opération. La 3e Compagnie tâte la ferme de La Rozière et doit se replier avec quelques blessés. La 4e Compagnie attaque avec trois tank-destroyers, des équipes de lance-roquettes et des lance-flammes du génie. Cette fois la moitié des cadres est en serre-file pour pallier d'éventuelles hésitations sur le glacis. Sans attendre la levée du tir de préparation les tirailleurs coiffent l'objectif, les mitrailleurs ennemis se rendent au détalent dans la nuit tombante.

Le 17, le III/6e détache la 9e Compagnie pour renforcer la gauche du I/6e : le lieutenant-colonel Le Gouvello coordonne l'offensive. A 4 heures du matin, une patrouille de la 3e Compagnie trouve La Rozière encore occupée, mais à 7 heures lorsque l'attaque débouche, l'ennemi a décroché menacé par l'avance du 9e Zouaves, du 6e R.I.C et du III/6e de Blamont vers Glay. A 15 heures la progression peut reprendre vers Dannemarie-du-Doubs à travers un Bois des Trembles miné, où le lieutenant Raoux est tué en sautant avec son véhicule sur une mine. De son côté, le III/6e appuyé par la 1e Section de la C.M, progresse vers Glay. La 11e Compagnie occupe La Chèvre dans la nuit et la colline de Picardie, qui domine Glay, le 17 au matin.

Le 18, le III/6e est chargé de dégager les voies de communication menacées entre Suarce et Lepuix-Delle tandis que le I/6e passe en réserve et va cantonner à Fèche-l'Eglise et le lendemain à Courtelevant. La neige a fondu et les tirailleurs portent leurs snow-boots en sautoir autour du cou.

Le II/6e enlevé le 13 novembre à 21 heures, gagne à son tour la région de Maiche : son état-major, la C.B.2, la 8e Compagnie à Saint Julien le Haut et le Bas, la 5e Compagnie au Petit Communal, la 6e et la 7e à Bonnétage Haut et Bas. Le 16, son train muletier se met en route. Le 17 à 14 heures le bataillon embarque en camions et gagne Pierrefontaine où il est en réserve de la 9e D.I.C. Mais un destin particulier l'attend car le lendemain il est mis à la disposition, comme renfort d'infanterie, du CC3 de la 1e DB (Caldairou). Les camions de cette D.B. l'emmènent le 19 par Glay, Abbévillers et Saint Dizier-l'Evéque à Delle et à Seppois.

La 1e DB en effet, doit par un coup de Blitzkrieg, foncer vers l'Alsace jusqu'au Rhin. Le II/6e s'installe d'abord en point d'appui fermé à Ueberstrass, Largitzen et Seppois. Le 20, un nouveau convoi de camions porte les Marocains vers Kappelen, Hellfrantzkirch et Bruebach. On est en Alsace libérée, les populations accueillent avec enthousiasme les troupes françaises. La 5e Compagnie (Collonnier), est envoyée sur le Rhin à Kembs.

L'ennemi ne s'avoue pas chassé d'Alsace et pour desserrer l'une des mâchoires du piège le LXIIIe Corps d'Armée contre-attaque le 21 novembre au matin du Rhin vers Courtelevant, tandis que des éléments divers encerclés vers Dannemarie par l'avance du 1e Corps d'Armée français tentent de le rejoindre par la vallée de la Largue. Or, ce même 21, le I/6e quitte Courtelevant et est mis à la disposition du groupement Charles de la 9e DIC. Ce groupement doit dégager les routes Seppois-Dannemarie et Seppois-Altkirch en s'emparant des villages d'Ueberstrass et de Friesen sur le premier axe, de Largitzen et Hirtzbach sur le second, repris par les éléments de tête du LXIlIe Corps allemand le 21 au matin. Le I/6e à pied, passe Réchésy et se lance, en deux colonnes vers les villages à récupérer. Le gros du bataillon chasse quelques isolés de la maison forestière de Gruenenwald, puis d'Ueberstrass, où s'installent le P.C., la C.B1, les 3e et 4e Compagnies. La colonne de droite, c'est-à-dire la 2e Compagnie, reprend Largitzen et ses environs. La S.E.M envoyée reconnaître Friesen, carrefour intéressant, y capture soixante-sept bicyclettes. La 1e Compagnie (Estadieu) avec la 1e Section (Authier) de la C.A.C et trois tank-destroyers du Régiment colonial de chasseurs de chars (R. C. C. C - 9e DIC) mettent le village en état de défense. La tête de contre-attaque du LXIIIème Corps, représentée par des fantassins de la 30e Waffen SS Division appuyés par l'artillerie et des automoteurs, tente d'enlever Friesen mais est repoussée à la fin. de la journée.

Le 22 vers 10 heures les Allemands reprennent l'affaire avec un bataillon russe de la 30e Waffen SS et sept chars lourds du 654e Panzerjaeger Abteilung, qui arrive de Nuremberg. Trois et peut-être quatre de ces chars sont immobilisés par les 57 de la C.A.C, les canons des tank-destroyers, les armes antichars des défenseurs

L'infanterie qui les accompagne essaie en vain de s'emparer du village. Le sergent Rouch, de la S.E.M abat le capitaine SS commandant les Russes, lesquels, copieusement mitraillés, ne tardent pas à se rendre. Ueberstrass, où une contre-attaque d'éléments ennemis venant de Dannemarie a été repoussée le 21, est bombardé le 22. L'ennemi a toutefois coupé les communications au sud d'Ueberstrass, le ravitaillement et les munitions se raréfient. Le 23, la 3e Compagnie est chargée de nettoyer les bois d'Oberwald sur les arrières. Elle n'y réussit pas complètement et se replie.

Le 25, la 2e Compagnie tente la même opération en direction de Seppois et doit également renoncer après que le capitaine Roux est blessé. II y a eu des pertes, les hommes sont fatigués. Aussi la relève est-elle la bienvenue dans la nuit du 25 au 26 novembre, le I/6ème est remplacé par le 152e R.I.- F.F.I et va coucher à Seppois.

Le 6e RT.M, essentiellement le 1e Bataillon, a perdu 82 hommes dont 9 tués, 72 blessés dont 1 officier et 1 disparu (dont le cadavre sera retrouvé plus tard). Il a fait de nombreux prisonniers, " des enfants de 16 ans, des vétérans, des éclopés, des aviateurs sans avion, des marins sans navire, onze Mongols et un officier russe blanc... " (lettre de Georges Leconte à ses parents).

Pendant que se déroulait l'épisode dit de Friesen le III/6e a nettoyé, avec le CC4 de la 5e D.B (Schlesser), les bois au sud-ouest de Frïesen, fortement tenus par l'ennemi. La lutte, extrêmement dure, coûte de lourdes pertes. Le lieutenant Lesportes, de la 12e Compagnie, est tué. Lepuix-Delle est finalement atteint et dégagé. L'opération coûte 14 tués dont 1 officier, 28 blessés dont 2 officiers.

L'ennemi laisse entre nos mains 225 prisonniers dont 7 officiers entre l'affaire de Friesen et celle de Lepuix-Delle ; il décroche sur toute la ligne.

Mulhouse

La libération de Mulhouse doit beaucoup au 6e R.T.M. Le 21 novembre, après avoir passé la nuit à Bruebach, le II/6e moins la 5e Compagnie part à 7 heures pour gagner l'auberge de Buchwald à 3 kilomètres au sud-est de Mulhouse. A 9 heures il atteint le carrefour de la rue de Wanne et de la route de Zimmersheim. La 7e Compagnie et la S.E.M partent à l'est vers la gare de Wanne, la 6e, la C.B.2 et la 8e se portent à l'ouest vers la gare de Mulhouse-Ville.

Le bataillon s'aligne sur la rive sud du canal du Rhône au Rhin et reçoit les premiers coups de feu partant des maisons de la rive nord. La 6e Compagnie franchit le pont, neutralise les résistances de l'Hôtel des Postes et du Musée, remonte la rue du Sauvage jusqu'à la caserne Coehorn transformée en forteresse. Pendant ce temps, la S.E.M renforcée par deux tank-destroyers s'empare de la gendarmerie où elle fait 300 prisonniers. La 7e Compagnie réduit la résistance du Lycée de jeunes filles et parvient aux abords de la caserne Lefebvre, elle aussi transformée en forteresse. Le sous-lieutenant Cazendres est tué, le capitaine Lapostolle blessé ; le sous-lieutenant Merqui prend le commandement de la 7e Compagnie, A la caserne Coehorn, la 6e Compagnie appuyée par le tir des chars et des tank-destroyers donne l'assaut, prend pied dans une partie de la caserne, mais les principaux bâtiments résistent encore quand la nuit tombe. L'aspirant Respriget est tué. " Toutes ces opérations se déroulent sous les yeux de la foule massée sur les trottoirs. Il suffit de tourner le coin d'une maison poux passer du spectacle d'un meurtrier combat de rues à celui d'une ville en fête qui acclame ses libérateurs... " (journal de marche du II/6e RTM).

Dans la nuit du 21 au 22 le colonel Baillif et la 9e Compagnie Jézéquel quittent Delle pour Mulhouse. Le colonel met son PC 15 rue Clémenceau.

Le 22 novembre l'attaque de la caserne Coehorn reprend sans l'appui des chars retirés dans la nuit. La 6e Compagnie force l'ennemi à évacuer la caserne, les rescapés vont renforcer la garnison de la caserne Lefebvre. Vers midi la 9e Compagnie prend position dans les quartiers est, la droite au pont de la gare de Wanne, la gauche au nord de la passerelle de la gare de Ville. Le colonel Baillif est chargé d'assurer la défense de Mulhouse. Dans la nuit du 22 au 23, la 8e Compagnie (Le Guillou) s'installe à droite de la 7e, entre la caserne et le canal.

Revenons à la 5e Compagnie et à ce que l'on a appelé son "raid ". Le 20 novembre à 3 heures 45, la Compagnie Collonnier, à la disposition du groupement Dewattre, quitte Moos et parvient à 7 heures à Kembs où elle fait 15 prisonniers. A 12 heures 30 elle reçoit l'ordre de pousser au nord le long du Rhin par Petit Landau, Niffer, Hombourg, Ottmarsheim, Bantzenheim, de franchir le fleuve au pont de Chalampé et d'y établir une tête de pont en territoire allemand. Trois tank-destroyers lui sont adjoints.

A Niffer la colonne surprend une patrouille ennemie et après une heure de combat reste maîtresse du terrain, faisant 11 prisonniers. La 5e Compagnie poursuit sa route à pied sur Petit Landau. Au carrefour de la route d'Habsheim elle est rejointe par un canon d'assaut, cinq automitrailleuses, un halftrack et plusieurs jeeps mortier de 60. La colonne poursuit alors sur camions jusqu'à Saint Martin, ou le convoi est pris à partie par des armes automatiques: 1 chauffeur est tué, 5 tirailleurs blessés, On s'installe au château en point d'appui fermé.

Le 21 la colonne repart à 7 heures vers Hombourg, occupé à 9 heures après avoir fait quelques prisonniers. A 12 heures elle reçoit la section Campana, de la 8e Compagnie, envoyée en renfort et qui a perdu dans une embuscade à son passage à Kembs 1 tué et 4 blessés. La route se referme derrière le détachement Collonnier. Néanmoins à 15 heures on marche sur Ottmarsheim signalé comme fortement tenu par l'ennemi. Effectivement un combat de deux heures arrête le détachement aux lisières sud du village à la tombée de la nuit. Les blessés ne peuvent être évacués.

Le 22 à 5 heures du matin, au moment de donner l'assaut, la 5e Compagnie reçoit l'ordre de se reporter en arrière sur le pont du canal de Huningue, à 800 mètres à l'ouest de Petit Landau. Mais les automitrailleuses envoyées en reconnaissance signalent le retour de l'ennemi à Niffer et à Kembs tandis que la route d'Habsheim est libre. Le 23 au matin le capitaine Collonnier reçoit l'ordre de rejoindre Mulhouse où il est remis à la disposition du capitaine Cothias.

Le 23 à 14 heures la S.E.M et la 7e Compagnie sous le commandement du sous-lieutenant Establie et avec l'appui des chars donne l'assaut à la caserne Lefebvre, Dans la brèche pratiquée par les chars les tirailleurs pénètrent dans la cour, puis dans le premier bâtiment. Celui-ci est transformé en blockhaus, les couloirs sont piégés. Une lutte terrible s'y déroule pendant plus d'une heure. Le char du lieutenant de Loisy est détruit par un coup de Panzerfaust. Il faut finalement abandonner ce bâtiment inexpugnable. L'adjudant Herrbach est tué. Dans la nuit, un détachement Etcheverry renforcé par la S.A.C Lacoste relève la 9e Compagnie.

Le 24 la 8e Compagnie subit un violent tir de mortiers tandis que l'artillerie amie pilonne la caserne Barbanègre.

Dans l'après-midi la 6e Compagnie est relevée par le bataillon Schmidt de la brigade Alsace-Lorraine et mise à la disposition du groupement Lenorrnand à l'Ile Napoléon. Dans la nuit la 5e Compagnie relève la 8e qui va s'installer au pont de Bourtzwiller. Le 25 de nouveaux et violents tirs ennemis s'abattent sur la 8e Compagnie et sur le point d'appui Etcheverry.

L'ennemi évacue les casernes Lefebvre, Barbanègre et Drouot dans la nuit du 25 au 26. Le nettoyage de ces positions est confié au bataillon d'Alsace-Lorraine. Le II/6e progresse et s'installe sur une ligne jalonnée par le P.A. Etcheverry (S.A.C et 1e Section de la 5e Compagnie) sur la ligne de chemin de fer en avant de Drouot ; le P.A Collonnier (5e Compagnie) en avant de l'usine à gaz, le P.A. Establie (SEM, 7e Compagnie, 1 pièce de la C.A.C) route d'Illzach au pont de la Doper; P.A Le Guillou (8e Compagnie) pont de Bourtzwiller. Toute la journée les ponts sur la Doper sont bombardés. La 6e Compagnie relève la 9e à Lutterbach.

La journée du 27 est calme. Dans la nuit du 27 au 28 la 5e Compagnie relève des éléments du 1e R.T.M à Modenheim. et le détachement Etcheverry s'installe à sa droite. L'ennemi fait une tentative sur le pont de Bourtzwiller à 20 heures. Le 28 est calme également. Le I/6e, qui a été acheminé le 26 de Seppois à Zimmersheirn arrive par la route du Jardin Zoologique et cantonne au Vignoble le 27 sauf 1a 3e Compagnie. Celle-ci est allée à Rixheim relever une unité du 1e R.T.M qui doit opérer dans la forêt de la Hardt. Dans la nuit du 28 au 29 cette opération échoue. La section Calvin de la 3e Compagnie envoyée en recueil à la maison forestière de Gehein y fait 20 prisonniers. La Compagnie est rappelée le 30 à Mulhouse.

Le 28 à 21 heures 30, une action de diversion ennemie sur la gare et un violent bombardement sur les points d'appui permettent aux Allemands de faire sauter le pont de Bourtzwiller, occasionnant au II/6e 3 disparus et 2 blessés. La même nuit la 6e Compagnie est violemment attaquée à Lutterbach. La section Lacoste quitte le point d'appui Etcheverry poux aller renforcer la 6e Compagnie. Le 29 la 6e Compagnie et la section Lacoste sont remises à la disposition du capitaine Cothias. Le I/6e assure la garde des ponts de la gare.

Quant au III/6e, il est mis de nouveau le 26 novembre à la disposition du CC3 et jeté dans la bataille pour la possession du pont d'Aspach. L'attaque part de Morschwiller d'est en ouest en direction d'Heimsbrunn. Elle est rapidement clouée au sol par des feux de mitrailleuses sous casemate sur la contre-pente de la côte 309. La 12e Compagnie avec l'appui d'un peloton de chars moyens parvient cependant à coiffer la crête. Elle doit y faire face à une contre-attaque ennemie appuyée par des chars qu'elle rejette et entre â 17 heures dans Heimsbrunn. Une action conjuguée des 10e, 11e et 12e Compagnies assure la maîtrise définitive du terrain à 17 heures 30.

La journée du 27 se passe en tentatives pour créer une tête de pont sur le ruisseau à l'ouest du village, mais le bataillon n'y réussira que le 28. Sous sa protection, le Génie construit une passerelle pour les chars. Après avoir longtemps tiré sur les tentatives de progression, l'ennemi décroche dans la nuit et le matin du 29 le bataillon occupe le pont d'Aspach en faisant liaison avec les blindés venus de Burnhaupt-le-Bas. Le bataillon, qui a perdu 9 tués et 52 blessés, est remis à la disposition du régiment.

Du pont d'Aspach au Rhin : 30 novembre 1,944 -17 avril 1945

L'offensive qui a permis la prise de Belfort, de Montbéliard et de Mulhouse et la conquête d'une partie de la Haute Alsace s'épuise. La faiblesse des effectifs va obliger le commandement à des colmatages hâtifs sur tel ou tel point du front, qui conduisent à un mélange compliqué d'unités et à des réorganisations constantes des divers quartiers de la défense pour conserver les bases de départ d'une nouvelle attaque générale. La vie reprend dans Mulhouse mais sous la menace constante d'une attaque en force de l'ennemi qui inonde la ville de tracts et tâte sans cesse le dispositif.

Le 6e RTM, dont le colonel, dans un premier temps, est chargé de défendre Mulhouse, va jouer souvent les bouche-trous. Il est désormais difficile de narrer les combats bataillon par bataillon, mais comme tous les éléments du régiment coopèrent, il vaut mieux découper la chronique du 6e en affaires caractéristiques, qui sont essentiellement trois: Lutterbach, Cernay et la marche au Rhin …

Sources

http://perso.orange.fr/4dmm/

http://perso.orange.fr/4dmm/les_tirailleurs.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/6e_r%C3%A9giment_de_tirailleurs_marocains